samedi 21 janvier 2012

Pierre le Vénérable et les Sarrazins

Pierre le Vénérable (1092/94 – Noël 1156), neuvième abbé de Cluny (1122-1156), fut un des plus grands abbés de ce prestigieux monastère qu’il réforma en profondeur. Il fut aussi un des grands hommes de son temps, par sa science comme par sa charité. Son amour de la vérité le conduisit à combattre les hérésies aussi bien que le judaïsme et l’islam, mais par la parole et par l’écrit, et non par la force des armes. Au contraire de son contemporain et ami saint Bernard, il n’approuvait pas les croisades.
 
Un trait remarquable révélera sa charité : quand Abélard, dénoncé par saint Bernard, fut condamné pour hérésie à être enfermé à vie dans un couvent, Pierre le Vénérable l'accueillit fraternellement à Cluny. Après sa mort, l’abbé conduisit secrètement son corps à l'abbaye du Paraclet dont Héloïse était l’abbesse, et, à la demande de cette dernière, il rédigea une absolution plénière des péchés en faveur d'Abélard.
 
Pour ce qui est de l’islam, il jugeait inconcevable de combattre cette religion sans la connaître, et il fit réaliser la toute première traduction du Coran en latin. Elle fut l’œuvre de quatre lettrés, dont un musulman… Elle servit, moyennant diverses adaptations, jusqu’au XVIIe siècle. Ensuite de quoi il composa un traité Contra sectam Sarracenorum (Contre la secte des Sarrazins).
 
En voici le début, dont le ton, comme on verra, tranche singulièrement avec celui que prennent d’habitude les polémistes :

« Au nom du Père et du Fils, Pierre, Français de nation, chrétien de religion, et, par ses fonctions, abbé de ceux que l'on appelle moines, aux Arabes fils d'Ismaël, observant la loi de celui qu'on nomme Mahomet. Il semble étrange, il l'est peut-être en effet, qu'un homme éloigné de vous par de grandes distances, parlant un autre langage, ayant une profession, des mœurs, un genre de vie, tout différents des vôtres, écrive, du fond de l'Occident, à des hommes qui habitent les contrées de l'Orient, qu'il dirige ses attaques contre des gens qu'il n'a jamais vus et ne verra peut-être jamais, qu'il vous attaque, non par les armes comme le font souvent les chrétiens, mais par la parole, non par la force, mais par la raison, non par la haine, mais par l'amour, par un amour tel, cependant, qu'un chrétien peut l'éprouver envers des ennemis du Christ, tel que les apôtres l'éprouvaient autrefois pour les gentils qu'ils invitaient à embrasser la loi du Christ; tel enfin que Dieu lui-même le portait aux païens qui servaient la créature et non le Créateur, et qu'il détourna par ses apôtres du culte des idoles et des démons. Il les aima avant d'être aimé d'eux ; il les reconnut avant d'être reconnu par eux ; il les appela à lui quand ils le méprisaient encore ; il leur prodigua ses bienfaits quand ils ne lui faisaient que du mal ; il prit en pitié ceux qui périssaient ; par un pur effet de sa bonté, les arracha à leur perte éternelle. »

Ce traité était comme d’ordinaire enluminé. Voici une caricature de Mahomet (dont le nom figure à droite dans un ovale : mahumeth).



Caricature de Mahomet
Manuscrit de la traduction du Coran - XIIème siècle - Ms 1162, f° 11
Bibliothèque Nationale de France,





2 commentaires:

  1. cher frére ,permet moi juste de revenir sur les croisades contre l islam.les croisades non jamais etaient des invasions ,mais la défense des pélerins.les croisades sont des pélerinages spirituelle sous l autorité de l église, ou telle autorité comme bernard de clairvaux.a la base ,la croisade est une entreprise féodale resérvée a la seule chevalerie.l accomplissement du voeu de croix devient donc, une étape indispensable a la formation du parfait chevalier (militaire ,spirituelle).dans l esprit chevaleresque , le christ devient le parfait seigneur pour lequele on peut se sacrifier sans crainte.le chevalier croisé est donc un miles christi(chevalier du christ ).ont est bien loin d une chevalerie de salon .paix et amour en christ.

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  2. Très juste, mon frère. "Prendre la croix", c'était une manière d'imiter le Christ. Un exemple frappant : le jeune François d'Assise rêvait de partir en croisade... Il le fit autrement.
    A l'origine, les croisades étaient, tu as raison, des pélerinages spirituels.

    Mais il ne faut pas se cacher que cela dégénéra ensuite. Philippe le Bel, Richard Coeur de Lion, Frédéric Barberousse... ne furent pas des modèles de princes chrétiens.

    Le comble fut atteint avec la scandaleuse et catastrophique IVe croisade qui s'empara de Constantinople (1204) et la pilla ! On était bien loin de l'idéal chevaleresque...

    Paix et amour en X

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