jeudi 30 mai 2013

(6/6) Quelques réflexions théologiques sur l'homosexualité et le mariage homosexuel

J’ai encore d’autres flèches dans mon carquois. Les premiers chrétiens, qui avaient une conception radicale et intransigeante du péché, n’en connaissaient que de trois sortes : l’idolâtrie, l’adultère et l’homicide, péchés quasiment irrémissibles car ils ne pouvaient être pardonnés qu’une seule fois dans la vie ; en cas de récidive, aucun pardon n’était possible, sauf à l’article de la mort. C’est d’ailleurs pour échapper à cette rigueur que beaucoup de catéchumènes ne se faisaient baptiser que sur leur lit de mort, par exemple l’empereur Constantin… Ces péchés étaient (et sont toujours) des péchés contre l’amour : l’idolâtrie, un péché contre l’amour dû à Dieu en retour de celui qu’il donne gratuitement ; l’adultère, un péché contre l’amour réciproque des conjoints béni par Dieu ; l’homicide enfin, parce que c’est s’approprier indûment par haine une vie humaine que Dieu a donnée par amour. Très vite, l’Eglise abandonna cette conception extrême qui faisait peu de cas de la repentance. Néanmoins, ces trois catégories fondamentales demeurent, et leur déclinaison scande la vie de ceux qui cherchent à vivre chrétiennement.

Que conclure, par rapport à la vie chrétienne, autrement dit la vie en Eglise ? Comme prêtre, et tout simplement comme homme, je connais un nombre non négligeable d’homosexuels célibataires ou en couple qui sont des chrétiens fervents. Au nom de quoi, au nom de quel principe leur refuserais-je, puisqu’ils ne sont pas pécheurs du fait de leur inclination (et même s’ils l’étaient…) l’accès aux sacrements, et singulièrement au sacrement vivifiant par essence, l’eucharistie ? L’Eglise – les Eglises – n’a que trop souvent et trop longtemps emprisonné les hommes dans des ghettos : jadis le ghetto des sacrilèges, le ghetto des hérétiques, le ghetto des sorciers, maintenant le ghetto des divorcés, le ghetto des homosexuels, le ghetto des francs-maçons…Et quand certains combinent les trois qualifications (je connais des cas) ! Est-ce à l’Eglise d’incarcérer quand l’existence quotidienne s’y emploie suffisamment ! Non. L’Eglise doit communiquer les dons du Christ par le Saint-Esprit : la liberté, la vie, et l’amour.

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L’étude qui précède vient s’articuler à celle que j’ai publiée sur mon blog le 22 janvier 2013 sous le titre Le mariage pour tous. J’y exposais les deux conceptions types du mariage qui s’affrontent dans le débat qui agite notre pays, conceptions qui ont toutes deux leur justification : ce que j’appelle « le mariage patrimonial », qui a en sa faveur son universalité et son ancienneté multiséculaire ; et « le mariage  conjugal » qui prédomine de plus en plus dans nos sociétés occidentales depuis environ un siècle. Qu’on ne s’y trompe pas : c’est ce dernier qui va l’emporter. L’autre est un système d’organisation sociale archaïque qui va disparaître, à mesure que les droits et libertés de l’individu – qui sont un apport du christianisme et point du tout une conquête de la révolution française – gagneront en étendue. Peu importe le temps qu’il faudra, cette évolution est inévitable. Autant la prendre en compte.

Beaucoup affirment avec sincérité que le mariage homosexuel sera le commencement de la fin de la société organisée, disons de la société traditionnelle. Mais ce commencement de la fin, il a déjà débuté, avec la généralisation du divorce ! Quand on constate le nombre de familles décomposées et recomposées, avec la cohabitation dans un même foyer d’enfants issus de chacun des conjoints, peut-on raisonnablement soutenir que ces familles-là sont « traditionnelles » ? Elles n’en sont pas moins légitimes. 

Il est donc temps pour moi de prendre parti, ou plutôt de l’exprimer. Je le ferai en me référant à la distinction courante en orthodoxie entre le canon et l’économie, entre la règle, qui exprime la justice, et son application, qui est guidée par la miséricorde. Ainsi, selon le principe, je ne puis qu’être opposé au mariage homosexuel ; selon l’économie, je dois l’accepter.

Ceci pour la société civile. Et l’Eglise ? Serais-je prêt à bénir une union homosexuelle ? Quitte à être incohérent, franchement non, le pas serait trop important à franchir pour moi. Du moins maintenant. Il me faut encore réfléchir et prier. En revanche je ne verrais aucune difficulté à bénir individuellement chacun des membres du couple. Hypocrisie ? En aucune manière. C’est l’état présent de ma conscience, qui a déjà beaucoup concédé. Et nul ne peut aller contre sa conscience.

5 mai 2013


mercredi 29 mai 2013

(5/6) Quelques réflexions théologiques sur l'homosexualité et le mariage homosexuel

Je veux maintenant pousser l’analyse encore plus loin en revenant à la question cruciale : qu’est-ce que le péché ?  Laissons de côté les très nombreuses fautes que l’apôtre Paul énumère à plusieurs reprises (par ex. Romains 1, 28-32) pour aller à la racine. C’est dans les paroles du Christ lui-même qu’on la découvrira : le péché irrémissible, c’est-à-dire pour parler clair le péché en soi, c’est le péché contre l’Esprit, qui est, déclare Jésus, « un péché éternel » (Matthieu 12, 31-32 ; Marc 3, 28-30 et Luc 12, 10). Citons Matthieu : « C'est pourquoi je vous dis : Tout péché et tout blasphème sera pardonné aux hommes, mais le blasphème contre l'Esprit ne sera point pardonné. Quiconque parlera contre le Fils de l'homme, il lui sera pardonné ; mais quiconque parlera contre le Saint Esprit, il ne lui sera pardonné ni dans ce siècle ni dans le siècle à venir. »  Et Marc : « Je vous le dis en vérité, tous les péchés seront pardonnés aux fils des hommes, et les blasphèmes qu'ils auront proférés ; mais quiconque blasphémera contre le Saint Esprit n'obtiendra jamais de pardon : il est coupable d'un péché éternel. »

Or qu’est-ce, en réalité, que le péché ou le blasphème contre le Saint Esprit ? c’est le péché de Judas. Et le péché de Judas, c’est l’absence de confiance dans la miséricorde infinie de Dieu qui est toujours prête à pardonner, c’est le refus de l’amour de Dieu (que communique le Saint Esprit). En d’autres termes, c’est le péché contre l’Amour.

Règle : Il n’y a pas d’autre péché que le péché contre l’Amour.

Est-ce que l’amour homosexuel, ou plutôt homophile, entre dans cette catégorie ? Poser la question c’est y répondre. L’Ecriture nous en présente elle-même un exemple tout à fait remarquable : c’est l’affection amoureuse qui unit Jonathan et David et qui est décrite aux chapitres 19, 20 et 23 du 1er livre de Samuel. Qu’on se souvienne. Les relations entre le roi Saül et son ancien favori étant devenues exécrables, à cause de la jalousie de Saül pour les exploits guerriers de David, il cherchait par tous les moyens à le faire périr. Mais son fils Jonathan, non content de plaider la cause de David devant son père, l’avertissait de toutes les manigances du roi. La cause ? « Jonathan fit alliance avec David, parce qu'il l'aimait comme son âme. » (1 Samuel 18, 3) Et ceci, qui est touchant : « Il ôta le manteau qu'il portait, pour le donner à David ; et il lui donna ses vêtements, même son épée, son arc et sa ceinture. » (Ibid. 18, 4). Et encore : « Jonathan protesta encore auprès de David de son affection pour lui, car il l'aimait comme son âme. » (Ibid. 20, 17) Et cet amour n’était pas unilatéral. Saül et ses trois fils, dont Jonathan, ayant été défaits et tués par les Philistins, David composa un « cantique funèbre » […] « qu’il ordonna d’enseigner aux enfants de Juda » et qui figure au premier chapitre, versets 19 à 27 du 2d livre de Samuel. A propos de Jonathan, on y lit : « Je suis dans la douleur à cause de toi, Jonathan, mon frère ! Tu faisais tout mon plaisir ; ton amour pour moi était admirable, au-dessus de l'amour des femmes. » (Ibid. 1, 26) Cet amour réciproque est-il condamné ? bien au contraire, il est montré en exemple.

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Je voudrais maintenant faire un sort, et ce sera rapide, à la double proclamation citée plus haut : « L’homosexualité doit être perçue comme le résultat de la rébellion de l’humanité contre Dieu […]. Elle ne doit donc pas être considérée comme une manière de vivre et d’agir pour des hommes et des femmes faits à l’image et à la ressemblance de Dieu ».

Rébellion contre Dieu ? Où la voit-on ? La source de cette idée est claire, c’est la liaison causale que l’apôtre Paul fait entre idolâtrie et homosexualité ; mais cette liaison n’est rien moins que prouvée, c’est une simple assertion. Tout ce qui a été développé montre bien que le statut homosexuel ne répond à aucune intentionnalité. On n’est sûrement pas homosexuel par volonté de se rebeller contre la loi de Dieu. Des rebelles contre Dieu, il y en a proportionnellement autant chez les hétérosexuels que chez les homosexuels.

D’autre part, qui a été fait à l’image et à la ressemblance de Dieu ? L’homme mâle ἀνήρ ? La femme féminine (si l’on ose dire) γυνή ? (D’ailleurs certains théologiens se sont demandés sérieusement si la femme avait bien été faite à l’image et à la ressemblance divines…). Ni l’un ni l’autre. Ou plutôt l’un et l’autre tout ensemble, car incorporés dans l’Homme premier ἄνθροπος, Homme androgyne, je le rappelle, et englobant toutes les virtualités possibles.

Ainsi, sauf le respect dû aux autorités ecclésiastiques en cause, des deux proclamations ne sont rien d’autre que des sophismes.



LA FOI ET LA VRAIE SCIENCE

LA FOI, LA SCIENCE ET THOMAS L'INCREDULE
Par
Vladimir MOSS


La vraie foi et la vraie science sont entièrement compatibles, car elles décrivent toutes deux la vérité, dont la source est Dieu. Les incompatibilités et les contradictions surgissent quand il s'agit soit de fausse foi ou de fausse science. Ainsi Père Seraphim Rose écrit: "Même si la connaissance révélée est plus élevée que la connaissance naturelle, pourtant nous savons qu'il ne peut y avoir aucun conflit entre la véritable révélation et la vraie connaissance naturelle. Mais il peut y avoir conflit entre la révélation et la philosophie humaine, qui est souvent dans l'erreur. Il n'y a donc pas de conflit entre la connaissance de la Création contenue dans la Genèse, telle qu'elle est interprétée pour nous par les saints Pères, et la vraie connaissance des créatures que la science moderne a acquise par l'observation ; mais il y a très certainement un conflit irréconciliable entre les connaissances contenues dans la Genèse et la vaine spéculation philosophique des scientifiques modernes, peu éclairée par la foi, sur l'état du monde dans les six jours de la Création". 


Galilée par le Tintoret (1695)


Prenons le conflit entre le Pape et Galilée. Il s'agissait d'un conflit entre la fausse foi et la vraie science. Le Pape a pris comme divinement révélé - c'est-à-dire comme un principe de foi - que la terre était plate. Mais il n'y avait pas et il n'y a pas une telle révélation divine - en fait, le prophète parle de "cercle de la terre" (Isaïe 40:22). Depuis lors, les scientifiques athées ou agnostiques ont pris comme article de leur foi, que chaque fois que la foi et la science semblent être en conflit, la foi est erronée. Mais c'est, bien sûr, une fausse conclusion. Quand la science véritable confronte la fausse foi, elle rend service à la vérité en démasquant une superstition. Mais il y a aussi des superstitions scientifiques...

"Mais la science est en constante progression", me direz-vous. "Nous devons donc accepter ses dernières découvertes. Sinon, nous serons comme le Pape qui a rejeté Galilée. Après tout, le pape avait une foi fausse, et Galilée avait raison de croire que la terre est ronde. "Mais que faire si nous avons la vraie foi, et que les scientifiques en question ne sommes pas aussi intelligents que Galilée? Comme orthodoxes nous ne sommes en aucun cas obligés de rejeter Galilée - même si nous sommes obligés de rejeter Darwin et Dawkins.

Car notre foi n'est pas un système métaphysique  farfelu qui est compatible avec n'importe quel événement historique concret ou n'importe quelle hypothèse scientifique. Au contraire, comme un arbre, elle est concrètement ancrée dans le sol des événements historiques, même si ses branches s'étendent bien au-dessus de la terre et du ciel dans les cieux. Et il importe peu que vous coupiez l'arbre plus haut sur le tronc, dans le domaine de la théologie pure, ou à la racine, dans le domaine des faits historiques et des hypothèses scientifiques. Ainsi, nous renonçons également à la foi si nous acceptons l'hérésie théologique du Filioque, ou de fausses hypothèses scientifiques, telles que l'évolutionnisme, ou l'idée des physiciens que nous pouvons, en théorie, revenir en arrière dans le temps et tuer nos propres pères, ou l'idée que nous croyons en Dieu par désirs inconscients d'une figure de père, ou que le Christ n'est pas mort, mais s'est réveillé d'un coma et a poussé la pierre du tombeau. Le résultat est le même: la foi est détruite.

Lorsque nous sommes confrontés à de telles hypothèses scientifiques fausses, nous devons faire un choix: croyons-nous notre foi ou cette "prétendue science", comme saint Paul l'appelle (I Timothée 6 :20)? Si nous croyons que la source de notre foi, c'est Dieu Lui-même, Qui ne peut mentir, mais que Lui-même s'est avéré être la Vérité par sa résurrection d'entre les morts, et que nous appartenons à l'Église de Dieu, qui est "la colonne et le fondement de la vérité "(I Timothée 3:15), alors nous devons rejeter ces hypothèses scientifiques, même si nous ne pouvons pas voir immédiatement la faille dans leur argumentation. Cela peut demander un peu de courage (jusqu'à ce que les preuves réfutant les fausses hypothèses scientifiques émergent), mais c'est en réalité une décision très rationnelle, et pas seulement un produit de ce que les incroyants aiment à appeler la foi "aveugle".

Car notre foi, étant fondée sur la vraie raison, satisfait à la fois l'esprit et le cœur. Elle lie tout ensemble dans un système cohérent qui s'auto-renforce à chaque point. Aucun autre système ne satisfait de cette façon; tous les autres systèmes religieux-philosophiques inventés par l'homme, y compris ceux qui mettent la science à la tête de l'édifice, sont à la fin auto-contradictoires. Par conséquent, même si certains "faits" apparaissent, qui semblent contredire notre foi, il est beaucoup plus logique de conserver notre foi tout en soumettant les nouveaux «faits» à la critique sceptique. En ce qui concerne ces "faits", nous devons être comme Thomas l'incrédule et vraiment les vérifier en utilisant toutes les ressources de la foi et de la raison. Et si nous ne pouvons pas les réfuter immédiatement, il faut nous toujours croire, car «Heureux ceux qui n'ont pas vu [les preuves scientifiques ou logiques] et qui ont cru» (Jean 20 :29). 


Incrédulité de saint Thomas par Rembrandt 1639


Car si nous devions rejeter notre foi, tous les problèmes, intellectuels, philosophiques et moraux, qui ne posent aucun problème pour nous maintenant, en tant que croyants, redeviennent des problèmes pour nous. Et de très sérieux problèmes, problèmes qui font de toute l'histoire de l'univers, comme Macbeth le dit, "un conte plein de bruit et de fureur, qui ne signifie rien... " "En tout cas", a dit saint Basile le Grand, "préférons la simplicité de la foi aux démonstrations de la «raison». " [1]

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
http://www.orthodoxchristianbooks.com/articles/

Note :


[1] Saint-Basile, Homélie 1 dans l'Hexaemeron.

mardi 28 mai 2013

Saint Germain, évêque de Paris, patron de la liturgie orthodoxe occidentale

Nous fêtons aujourd'hui le saint évêque Germain de Paris, patron de la liturgie adoptée par les Eglise orthodoxes de rite occidental.







Le 28 mai, mémoire de notre Père parmi les saints Germain,
évêque de Paris, le Liturge et l’Ami des opprimés.

Notre saint Père Germain naquit au début du sixième siècle à Autun. Selon son biographe, saint Venance Fortunat, à l’issue de ses études, il se retira chez un de ses parents et mena  avec lui, pendant quinze ans, une vie agréable à Dieu, dans l’ascèse, la prière et les hymnes.
La bonne odeur de ses vertus s’étant répandue dans la région, l’évêque d’Autun l’ordonna  prêtre, puis le successeur de ce dernier le mit à la tête du fameux monastère de SaintSymphorien. Son austérité le mettait parfois en opposition avec l’Evêque, ce qui lui valut même, une fois, d’être jeté en prison. La porte de la cellule s’ouvrit toute seule, mais le Saint n’accepta de la franchir qu’après en avoir reçu l’ordre.
Vers 555, il fut convoqué à Paris par Childebert, et désigné pour être consacré évêque de la cité. 



Dans cette nouvelle charge, l’humble Germain ne changea rien à l’austérité de sa vie, ni à son costume. Jusqu’à la fin de ses jours, il resta moine et ascète, ajoutant à sa tension vers la perfection évangélique le souci du salut de son peuple qu’il exhortait assidûment.
Sa prédication était soutenue avec éclat par le don des miracles, que Dieu lui avait abondamment accordé. Il guérissait quantité d’infirmes et de malades par sa prière, et délivrait les possédés qu’il gardait plusieurs jours auprès de lui afin de prier pour eux. Sa renommée de thaumaturge s’étant répandue au loin, on se servait de tout objet qu’il avait béni ou seulement touché, pour l’envoyer à ceux qui étaient éprouvés, et par la grâce de Dieu ils étaient délivrés de leurs maux.
Inlassable dans l’aumône, Germain y consacrait l’essentiel des ressources de son Eglise, et lorsque ces dernières ne suffisaient pas, il avait recours au roi Childebert, qui lui portait une grande admiration depuis qu’il avait été guéri par le saint d’une grave maladie.
La miséricorde de saint Germain s’étendait à tous, bons et méchants ; et quand il le pouvait, il faisait relâcher tous les prisonniers, et libérait les esclaves de toutes nationalités. En sa personne, les chrétiens de Paris croyaient voir revivre saint Denis, leur patron. Il encouragea le culte des saints locaux, et prenait un soin particulier à la beauté et à la dignité des offices liturgiques : on estime que nombre des particularités de la Liturgie des Gaules d’alors furent probablement dues à son influence. Il en fait une importante description dans les deux Lettres qui lui sont attribuées.
Grâce au soutien du souverain, il fonda un monastère, dédié à la sainte Croix et à saint Vincent, connu depuis sous le nom de Saint-Germain-des-Prés. Il fit venir des moines de Saint-Symphorien, afin d’y faire observer leur règle, issue du monastère de Lérins. Parfait connaisseur de la tradition ecclésiastique, saint Germain veillait avec un soin vigilant sur la paix et l’unité de l’Eglise des Gaules. Il prit une part prépondérante au Concile de Tours (567) et convoqua deux conciles à Paris (573)
Après la mort de Childebert (558), Paris devint la capitale du royaume uni de Clotaire qui témoigna au saint évêque la même déférence que son frère, grâce à l’influence de sa femme, sainte Radegonde. Lorsque la reine décida de prendre le voile dans le monastère de la Sainte-Croix qu’elle avait fondé à Poitiers, saint Germain supplia le roi de ne pas faire obstacle à sa vocation, et il entretint avec elle par la suite des relations suivies de direction spirituelle.
A la fin du court règne de Clotaire, le royaume fut de nouveau divisé entre ses quatre fils : Caribert, Gontran, Sigebert et Chilpéric. Caribert, le roi de Paris, était un homme impie et dévoyé, il pillait les églises et avait épousé deux sœurs. Il méprisa l’excommunication prononcée par le saint, mais, peu après, Dieu le frappa de mort, lui et l’une de ses épouses.
Saint Germain s’efforça, mais en vain, de réconcilier Brunehaut, femme de Sigebert, et Frédégonde, épouse de Chilpéric. Après l’assassinat de la sœur de Brunehaut, sous l’instigation de Frédégonde, en 575, Sigebert entra en guerre contre Chilpéric. Passant par Paris, il y rencontra le saint évêque qui tenta de le faire renoncer à son projet de vengeance et lui dit : « Si tu prépares une fosse pour ton frère, tu tomberas dedans. » Sigebert négligea ce conseil, et mourut assassiné.
Après avoir été pendant de longues années, un artisan de paix et un pasteur exemplaire, saint Germain s’endormit dans le Seigneur, le 28 Mai 576, et fut enterré dans l’église de son monastère parisien.
Lors du grand incendie qui ravagea Paris en 585, il apparut pour libérer les prisonniers, qui allèrent aussitôt se réfugier auprès de son tombeau. Par la suite, il resta un des saints les plus vénérés du peuple, tant à Paris et en Gaule, que dans tout le reste de l’Eglise latine.

Sur terre ayant concélébré avec les anges, au Ciel tu intercèdes pour nous à notre prière.
Au Ciel exalté par le Christ dans la gloire de ses saints, tu te penches en prière vers la terre !
Par les saintes prières de Germain de Paris, ô notre Dieu, fais-nous miséricorde
et sauve-nous : Amen !
*

Saint Père et Pontife Germain, évêque de la cité de Lutèce,
 Dieu t’a accordé le grand don de le célébrer et de le chanter dans la joie qui vient de lui,
et d’intercéder pour le salut de notre patrie et du monde entier.
Tu consoles et réjouis les fidèles qui célèbrent ta mémoire toute-digne de nos chants,
et tu les délivres de tout malheur, des périls, de l’affliction,
par tes prières devant le Seigneur.
Disciple aimé de saint Germain d’Auxerre, quand tu reçus l’imposition des mains sacrées,
la grâce de l’épiscopat rayonna dans ton cœur et sur ta face.
Aussi, empresse-toi, saint prêtre du Grand Pontife, d’aller au-devant de qui se réfugie avec amour sous ta sainte protection.
Conseiller des rois de ce monde et respecté comme serviteur du Roi des rois,
intercède, ô très humble Germain, pour notre patrie et pour ceux qui la gouvernent
afin qu’ils nous assurent la paix, la tranquillité et la liberté de vivre selon la vraie foi.
Tu es le Libérateur des captifs : intercède pour tous les opprimés
et interviens toi-même, par la grâce du saint Esprit, pour toucher le cœur des sans-cœur.
Par le pouvoir souverain qui appartient au Maître et Seigneur de toute la création
visible et invisible, délie toi-même, ô Père et Serviteur de l’Evangile,
ceux que retiennent les chaînes matérielles et spirituelles !

Comment, si l’Esprit divin ne nous inspire, célébrer et honorer le saint pontife Germain ?
De quelles hymnes vénérer la sainte et invisible présence du Liturge et Chantre de la sainte Trinité ?
Grâce à lui, notre peuple de France est guidé vers la célébration du Dieu d’amour et de miséricorde !
Avec les anges et toutes les puissances incorporelles, Germain chantait le Trois fois-saint !
A sa suite, les enfants et les vieillards, comme autrefois, s’associent
aux prières de supplication et de louange auxquelles le Christ initie ceux qui confessent la vraie foi.
Les mots nous manquent pour louer le Seigneur et sa bonté !
Ils nous manquent également pour faire mémoire de Germain, l’Ami des pauvres.
Conseiller des puissants de ce monde, il manifestait la miséricorde divine dans l’univers ;
 il délivrait les opprimés et sauvait des châtiments injustes ou mérités ceux qui étaient captifs.
A tous il présentait par la beauté de son visage et de sa vie
l’icône véritable du Compatissant et du Libérateur des captifs,

Celui qui par sa Résurrection apporte au monde le Salut !

Le corps selon la doctrine martinésienne


Catherine Amadou, après la disparition de Robert, a repris vaillamment le flambeau tombé des mains de son époux et elle continue son œuvre avec la même exigence critique : elle a été à bonne école durant ses années de collaboration.

Et avec la même chance. C’est ainsi qu’elle a découvert dans le fonds d’archives de la bibliothèque municipale de Grenoble un 16e exemplaire (décompte corrigé grâce à Jacques Courtois : à lui merci !) du Traité sur la réintégration de Martines de Pasqually ainsi que trois Leçons de Lyon supplémentaires. Elle analyse en détails l’un et les autres, et publie ces dernières, dans le dernier numéro paru de Renaissance Traditionnelle (n° 168, octobre 2012).

En illustrations, sont reproduites des photographies de certaines pages de ces précieux documents.  Ainsi, page 214, est reproduite la page 388 du manuscrit, qui correspond grosso modo à la partie médiane de la leçon du 17 avril 1776 intitulée « Sur les nombres ». Qu’y lit-on ?[1]

« L’homme est l’image et la ressemblance du Créateur, c’est par son corps qu’il en est l’image, et par son esprit qu’il en est la ressemblance. Mais comment son corps peut-il être l’image d’un être infini, qui n’a point de corps ?C’est qu’il est l’image abrégée de l’image ou du plan spirituel que le Créateur conçut au commencement des temps pour la création universelle qu’il donna à exécuter à ses agents ; ainsi, en ce sens, il est l’image corporelle de l’image spirituelle divine. »

Outre le fait que l’idée est extrêmement intéressante sur le plan de l’anthropogenèse, elle contredit complètement l’interprétation que donnent du corps certains exégètes contemporains, prétendûment selon Martines de Pasqually…

Si le corps est « l’image corporelle de l’image spirituelle divine », il ne peut évidemment pas être voué à l’anéantissement !
28 mai 2013






[1] Je mets en gras les passages soulignés dans le manuscrit..

dimanche 26 mai 2013

EVEQUES ENLEVES... QUI EN PARLE ?


Les deux évêques d’Alep toujours enlevés en Syrie, les métropolites,
(De gauche à droite) Yohanna IBRAHIM
(Syriaque orthodoxe) et Paul YAZIGI (grec-orthodoxe)

Sa Béatitude Jean X d’Antioche, primat de l’Eglise grec -orthodoxe d’Antioche et de tout l’Orient, a prononcé le 20 mai 2013 en l’église de la Sainte Croix à Damas, une allocution en présence du nonce apostolique accrédité en Syrie et des représentants de toutes les confessions chrétiennes, et ce lors de l’office de prières en solidarité et d’appel à la libération des deux évêques.
Le Christ est ressuscité, en Vérité Il est ressuscité !


Bien - aimés, voilà que nous avons traversé avec vous le chemin de croix de notre Sauveur et nous l'avons vu dans la sépulture après sa crucifixion, et puis ressuscité des morts, nous ressuscitant avec Lui. Prenons-Le alors comme exemple pour chacun de nous, et puisons de Sa vie glorieuse parmi nous un nectar et un parfum qui embaument nos blessures. Notre Seigneur a suivi le chemin de Croix et de la Passion, ce chemin qui conduit á la Résurrection. La Résurrection du Seigneur est la fin de son chemin de Croix. La Résurrection du Seigneur est la lumière qui illumine le coeur de toute personne humaine et le rend un lieu de repos pour le Christ. La Résurrection du Christ est ce brin de lumière qui disperse les cendres de la complaisance et du découragement, des braises de nos âmes.
Ta Résurrection Seigneur est source d'espérance dans les coeurs ravagés par le désespoir et dans les âmes soumises au découragement. La Résurrection du Seigneur ne se reconnait pas dans les âmes qui ruminent les peines et les tristesses. La Résurrection du Seigneur réside dans les âmes qui aspirent, à partir des entrailles des peines et des ténèbres des tragédies, à l’espérance. Qu’il est heureux ce rocher qui a dissimulé le corps du Seigneur. Qu’elle est heureuse cette sépulture qui a pu contenir le Seigneur mort! Le corps du Seigneur a pris patrie dans la sépulture, faisant d’elle un ciel, comme il prend patrie et réside en chacun d’entre nous, dans l’eucharistie et nous transporte jusqu’au ciel, faisant de nous les temples de Son Esprit Saint.
Notre espérance, en cette période pascale, est qu’on puisse prendre exemple, chacun de nous, du tombeau du Christ, ce tombeau qui a accueilli le mort et a fait jaillir la Vie, qui a été dans l’obscurité et les ténèbres et est devenu une niche de lumière. Que nos âmes soient à son exemple, quelque soient les fléaux qu’elles affrontent, que l'espérance de ces âmes soit placée dans le Seigneur ressuscité du tombeau et qui a fait jaillir la lumière pour nous et pour la création toute entière, et proclamons avec le Chrysostome: O mort où est ton aiguillon? Enfer où est ta victoire? Le Christ est ressuscité et toi-même es terrassé. Le Christ est ressuscité, et les démons sont tombés. Le
Christ est ressuscité, et les Anges sont dans la joie. Le Christ est ressuscité et voici que règne la vie. Le Christ est ressuscité et il n’est plus de mort dans le tombeau!
Je m'adresse à vous, avec mes frères, leurs béatitudes les patriarches, et les révérends évêques, et les causes de douleur nous entourent encore de toutes parts. Les dangers menacent, dans notre bien aimé pays, la Syrie, nos demeures et font que l’être humain est menacé dans son pain quotidien, dans son vécu, dans sa résidence et dans sa vie. Nous sommes soumis à l’épreuve tous les jours par le meurtre ou par l’enlèvement et par toutes les formes de ruines et de destructions.
Une nouvelle fois, nous déplorons et désapprouvons l’épisode de l’enlèvement de nos deux frères, les évêques, Paul, métropolite d’Alep, d’Alexandrette et des alentours pour les grec-orthodoxes d’Antioche, et Youhanna Ibrahim, métropolite d’Alep pour les syriaques orthodoxes, ainsi que le meurtre du chauffeur qui les accompagnait, et nous condamnons leur non-libération à ce jour malgré tous les efforts déployés dans ce contexte. Je partage avec vous la douleur que nous ressentons tous, mais nous affirmons et nous disons que nous ne sommes pas disposés à accepter la situation que vit actuellement notre être humain, ici et maintenant. Nous oeuvrons pour que notre refus de cette réalité soit le miroir de ce qu’est notre foi. Nous refusons cette réalité et nous la condamnons. Nous n’avons pas peur de même de ceux qui adoptent la violence comme voie, car nous sommes les enfants de la Résurrection. Que nous soyons tués, que nous soyons enlevés, que nos demeures soient détruites, tout cela ne va pas atteindre ni réduire notre détermination à s’accrocher à notre citoyenneté et à la coexistence, à s'accrocher à notre terre, et à réclamer le droit et la justice dans nos contrées.
Pour cela, chacun de nous, que ce soit ici dans cet espace antiochien (de l’Eglise mère) ou bien en diaspora, est appelé à exprimer sa préoccupation, et son refus du déroulé des évènements, loin de tout alignement politique. La cause du christianisme est la cause de l’être humain car notre Seigneur s’est incarné pour son salut. Je profite de cette occasion pour adresser, en votre nom, vous qui êtes dans la patrie ou en diaspora, un appel à la communauté internationale pour l’inciter à déployer tout ce qui est possible pour faire libérer les enlevés dont l’absence nous fait de la peine. Le fait de s’empresser à tourner cette page est d’une très grande importance pour prévenir les dangers des conséquences qui peuvent en résulter. Notre appel est également insistant pour oeuvrer à trouver une solution rapide à la situation qui prévaut dans notre pays bien aimé la Syrie, et ce pour prendre pitié de ce peuple témoin d’une civilisation issue d’une présence humaine distinguée depuis des milliers d’années, et pour prévenir des impacts et réflexions qui pourraient atteindre l’ensemble de la région.
Enfants bien-aimés, tout en recevant les bénédictions de la glorieuse Résurrection, multiplions les supplications et nos prières pour qu’elles soient un chemin de témoignage vivant, par lequel nous demandons à Dieu pour qu’Il éloigne l’injustice de tous, pour que les enlevés reviennent à leurs bien aimés, que les personnes endeuillés soient consolées, que les durs de coeur soient inspirés pour qu’ils soient dissuades de nuire à leurs frères humains. J’invite à prier toujours avec un esprit contrit, en étant conscients que si nous sommes soumis à la tentation par toutes ces épreuves, nous avons en Dieu un lieu de refuge, conscient aussi que Dieu ne se détourne pas de nous. Que l’amour, que le service, que le courage soient une introduction à la joie de la Résurrection, cette joie qui ne nous sera pas ôté.
Le Christ est ressuscité !


Source : Chroniques Antiochiennes Edition Spéciale Enlèvement des Evêques Situation en Syrie/Responsable de la rédaction: Carol Saba/ homélie du patriarche Jean d’Antioche du 20 mai à Damas

Saints Martyrs Géorgiens d'Iviron tués par les Latins au Mont Athos (13è siècle)


J'ai été au monastère d'Iviron, et j'ignorais cela !

Il faut ne pas oublier le passé, pour pouvoir le pardonner. Et ensuite fraterniser. Mais pour fraterniser in faut être de part et d'autre de bonne volonté.

dimanche 26 mai 2013

Saints Martyrs Géorgiens d'Iviron tués par les Latins au Mont Athos (13è siècle)


Mémoire le 13/26 mai

Les moines géorgiens ont commencé à s'installer sur le Mont Athos au milieu du 10e siècle, et un monastère géorgien, Iviron, y fut fondé peu de temps après.

À cette époque, les armées étrangères envahissaient constamment le Mont Athos. Au 13ème siècle, les Croisés donnèrent l'assaut à la région, et entre 1259 et 1306, l'armée privée du pape a dévasté le Mont Athos, à plusieurs reprises. Les moines des monastères de Vatopédi, de Zographou et du Protaton furent martyrisés pour la foi orthodoxe, et les moines du monastère d'Iviron connurent finalement  le même sort.

Au cours de cette période, les ascètes géorgiens et grecs œuvraient ensemble au monastère d'Iviron, et de nombreux jeunes ascètes de la nouvelle génération commencèrent à arriver de Géorgie.

Les Croisés exigèrent que les moines Iviron se convertissent au catholicisme et reconnaissent la primauté du pape romain. Mais les moines condamnèrent  leurs arguments fallacieux et anathématisèrent la doctrine des catholiques romains.

Selon le Patéricon de l'Athos, les moines d'Iviron ont été expulsés de force de leur monastère. Près de deux cents moines âgés ont été poussés comme des animaux sur un navire qui a ensuite été coulé dans les profondeurs de la mer. Les plus jeunes moines en bonne santé ont été expulsés vers l'Italie et vendus comme esclaves aux Juifs.

Certaines sources, disent que cette tragédie a eu lieu au cours de l'année 1259, tandis que d'autres rapportent que les moines géorgiens de la Sainte Montagne ont fait l'objet de persécutions des latins au cours de quatre ans, de 1276 à 1280.

Ô saints martyrs tués par les Latins
au monastère d'Iviron  sur le Mont Athos
nous saluons votre sainte lutte,
et vous supplions de nous protéger,
 et de nous aider à nous garder fermement la foi orthodoxe!

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
Archiprêtre 
Zakaria Machitadze
THE LIVES OF THE GEORGIAN SAINTS
Saint Herman of Alaska Press
Platina, 
California, USA
2006.



samedi 25 mai 2013

(4/6) Quelques réflexions théologiques sur l'homosexualité et le mariage homosexuel

Il faut, ici venu, poser la question : qu’est-ce qu’un péché ?

Revenons, hors de toutes définitions scolastiques et catéchétiques, aux origines, à savoir au grec, c’est-à-dire la langue dans laquelle ont été promulguées les définitions dogmatiques et les prescriptions morales et disciplinaires de la primitive Eglise en ses sept conciles œcuméniques. Les anciens Grecs ignoraient la notion de péché. Les penseurs chrétiens ont donc dû faire choix, pour rendre cette notion, d’un terme préexistant.

Ce choix est intéressant car riche de sens. Il s’est porté sur un terme rarissime qu’on ne trouve que chez les tragiques et chez Platon, et encore pas souvent : mαρtία (hamartia) signifiant « erreur » ou « faute »[1] ; quant au verbe apparenté ἁmαρtάνω (hamartanô), il a une signification très concrète : « manquer le but », « manquer la cible », d’où « se méprendre », etc. Or il est deux façons de manquer un but ou une cible : par pure maladresse, involontairement, et c’est une erreur ; ou bien délibérément, parce qu’on a fait exprès de ne pas atteindre ce but, qu’on en a visé un autre, etc., et alors c’est une faute. Comme on voit, le degré de responsabilité personnelle n’est pas du tout le même dans un cas et dans l’autre.

Est-ce que ceci s’applique à l’homosexualité ou, plus précisément – en laissant de côté pour l’instant les inclinations – aux unions homosexuelles ? A priori oui, car le but assigné par Dieu : « croissez et multipliez » est manqué, ne peut pas être rempli. Cependant, est-il manqué par choix délibéré ? Sûrement non, car on ne choisit pas d’être homosexuel. On ne le devient pas, on l’est de naissance. Et si l’on m’objecte les adultes qui, au tournant de l’âge – la quarantaine ou la cinquantaine – souvent après un mariage qui peut avoir duré plusieurs années, se découvrent homosexuels, je répondrai que ces inclinations étaient latentes chez eux et que, pour une raison ou une autre, elles se sont manifestées seulement à ce moment-là, mais elles préexistaient. Je ne nie pas que certains peuvent se livrer à des expériences homosexuelles ; mais si l’attrait sexuel n’existe pas dans les profondeurs de l’individu, ces expériences ne déboucheront pas sur un comportement habituel. Par conséquent, la condition nécessaire pour qu’il y ait faute, à savoir l’intentionnalité, n’existe pas.

Une erreur existe donc. Ici, il faut pousser plus loin l’analyse. Nul de ceux auxquels je m’adresse ne niera qu’un être humain, fût-il embryonnaire, existe dès qu’il y a « union inconcevable du corps, de l’âme et de l’esprit ». Est-ce à dire que Dieu créateur intervient à chaque fois par un acte personnel ? que pour ainsi dire il presse sur un bouton pour que cette union se produise ? Je ne le pense pas. Je crois que Dieu, quand il a créé la nature, l’a dotée d’une certaine autonomie, l’a faite co-créatrice. Cela, on l’admet de l’Homme ; je crois que c’est vrai aussi de la nature dans son ensemble. Dieu ne l’a pas seulement créée natura naturata, c’est-à-dire résultat passif de son action créatrice,  mais natura naturans¸ ayant une capacité dynamique, productive  et, je le répète, créatrice[2]. Pour être plus précis, Dieu a imposé à la nature des règles générales, des normes, et aussi un réseau assez serré de mécanismes à observer, en somme un programme à suivre, mais il a laissé à cette nature un certain jeu, une certaine liberté dans l’application de ce programme. Ce qui explique pourquoi elle fabrique des êtres qui sont très beaux et d’autres difformes, des êtres qui sont suprêmement intelligents et d’autres complètement stupides, au milieu d’une immensité d’êtres quelconques ; et des êtres qui sont homosexuels, donc en marge du programme,  au milieu d’une immensité d’êtres qui lui sont conformes. Dieu n’en est pas immédiatement responsable : il observe, il laisse faire, au nom de la liberté laissée à sa créature, et ensuite il intervient pour, si j’ose dire, réparer les dégâts, mais par d’autres voies. Et qu’on ne vienne pas dire, comme souvent : « Dieu n’aurait pas dû laisser faire… » ou même « n’aurait pas dû faire… » ; cela revient à dire : « Dieu aurait dû créer des créatures esclaves ».

J’ai parlé de dessein divin, et il est, je le répète, clairement énoncé. Mais c’est aussi un programme naturel, un programme inhérent à la nature, car celle-ci a pour finalité propre de se perpétuer, et elle ne peut le faire que par la procréation, qui exige l’union de deux sexes distincts. Ce qu’on appelle le principe vital tend à cela par ce moyen. La parthénogenèse n’existe pas dans la nature, non plus que l’androgenèse. Ainsi, le programme naturel coïncide avec le programme divin, et cela coule de source puisque c’est Dieu Créateur qui l’a ainsi organisé.

Donc, s’il y a – et il y a – erreur par rapport au programme primitif, ni l’homme ni Dieu n’en sont responsables. En bref, j’oserai le dire, les homosexuels sont les victimes innocentes d’un réglage souple de la machine à créer.

Ainsi, dans aucun des deux cas examinés il n’y a péché au sens chrétien du terme.

Mais, objectera-t-on, s’il y a défaut par rapport au dessein divin, il doit y avoir punition, châtiment. Certainement pas, car ce serait contrevenir au principe de liberté que je viens de décrire. Il existe d’ailleurs un épisode biblique qui prouve à l’évidence que Dieu ne punit pas lorsqu’on contrarie ses desseins, c’est l’épisode des Hébreux qui réclament un roi relaté dans le premier livre de Samuel, au chapitre 8. Relisons-le.

Les anciens d’Israël viennent trouver Samuel, leur Juge, et réclament :  « […] établis sur nous un roi pour nous juger, comme il y en a chez toutes les nations. » (8, 5) Cette demande est symptomatique, et Dieu ne s’y trompera pas : le peuple élu, dont les anciens sont les porte-paroles, ne veut plus être le peuple unique, il veut devenir ressemblant aux autres peuples (tous idolâtriques) qui l’environnent, il cède au « politiquement correct ». Samuel est extrêmement contrarié car il sait que cette demande est contraire au dessein de Dieu, qui est d’être et de demeurer, Lui seul, le roi d’Israël. Néanmoins Samuel la lui transmet. Et que répond Dieu ? « L'Éternel dit à Samuel : Écoute la voix du peuple dans tout ce qu'il te dira ; car ce n'est pas toi qu'ils rejettent, c'est moi qu'ils rejettent, afin que je ne règne plus sur eux. Ils agissent à ton égard comme ils ont toujours agi depuis que je les ai fait monter d'Égypte jusqu'à ce jour ; ils m'ont abandonné, pour servir d'autres dieux. Écoute donc leur voix ; mais donne-leur des avertissements, et fais-leur connaître le droit du roi qui régnera sur eux. » (8, 7-9) Bref, Dieu est sans illusion : c’est bien lui, le Dieu unique, qui est visé implicitement, il y a là une sorte de dérive vers l’idolâtrie. Il n’existe pas de plus grande violation du dessein qui est le sien ! Et comment réagit-il ? Il se courrouce, il réprime ? Pas du tout : il dit aux Hébreux : soit, faites comme vous voulez, mais assumez-en les conséquences. Et, de fait, les avertissements que donne Samuel (8, 10-18) sont un excellent résumé du despotisme royal. Malgré quoi les Hébreux persistent. Et leur seul châtiment résidera dans les conséquences bien réelles (il suffit de lire les livres des Rois) de leur décision initiale.

Qu’il soit bien clair que je n’assimile pas l’homosexualité au choix fautif et délibéré du peuple hébreu en cette circonstance historique datée de la fin du IIe millénaire avant J.-C. On ne le répétera jamais assez, l’homosexualité est innée, elle n’est pas acquise, car, n’en déplaise aux tenants de la « théorie du genre », on ne choisit pas sa sexualité. On peut décider d’y céder ou non – cette seconde possibilité est le choix de vie qui se nomme la continence, celle-ci s’appliquant à tous les modes de vie sexuelle – mais c’est tout autre chose. Donc, je le répète encore, l’homosexualité résulte d’une erreur subie, qu’il serait plus juste de nommer déviation¸ laquelle est intervenue ante tempus.





[1] Ce que signifie également le latin peccatum.
[2] J’emprunte cette distinction à Spinoza sans du tout adhérer à la philosophie immanentiste qui la sous-tend.

jeudi 23 mai 2013

LA MATIERE EST-ELLE UNE EQUATION MATHEMATIQUE ?


LA MATIERE EST-ELLE UNE EQUATION MATHEMATIQUE ?

La matière reste une énigme. Les philosophes s’efforcent de la définir, les scientifiques de la décrire. Descartes, par exemple, l’identifie à l’étendue, opposée à l’esprit : « La matière […] dont la nature consiste en cela seul qu’elle est une chose étendue […] » (Principes II, 22). Pour parler vulgairement, nous voilà bien avancés ! Cette définition complètement abstraite nous renseigne, non sur la nature de la matière elle-même, mais sur la place qu’elle occupe dans le corpus cartésien.

Je laisserai les philosophes de côté, à une seule et remarquable exception, celle de Platon. Platon en effet, dans le Timée, étudie la matière, entre autres, d’un double point de vue : celui de la philosophie qu’il professe, et celui de la science de son temps. C’est ce qui a été remarquablement exposé par son éditeur Albert Rivaud dans la « Collection Budé » aux éditions Les Belles Lettres (1925, rééd. 1956), lequel a montré de façon convaincante que ce dialogue n’est pas seulement un exposé de la philosophie platonicienne, cosmogenèse et anthropogenèse, mais une manière d’encyclopédie de la science, même la plus récente, de son temps, en particulier en mathématiques. Et c’est cette étude philosophico-scientifique qui nous intéressera en ce qui concerne la matière.

A ce sujet, la « notice » très savante que le professeur Rivaud consacre au Timée comporte, sous la rubrique « La composition de l’Ame du Monde », onze pages (pp. 42 à 52) remplies de fractions et d’équations destinées à transcrire en langage et en symboles mathématiques modernes ce que Platon exprime discursivement, à savoir la progression « harmonique » des éléments constitutifs de l’Ame du Monde, selon trois modes : la médiété arithmétique, la médiété harmonique et la médiété géométrique – dont je ne me charge pas de résumer les complexes définitions ici : je renvoie les lecteurs curieux à cette édition. De même, la section « Les Eléments » (avec ses sections : « La progression géométrique des éléments », « Les triangles constitutifs », « Les solides élémentaires », « Difficultés de cette construction », « Etendue des connaissances mathématiques de Platon », comporte, elle aussi, onze pages (pp. 72 à 82) d’équations et de figures au moyen desquelles Platon « construit » la matière à partir :1° des éléments, 2° des solides élémentaires, qui sont le tétraèdre, l’octaèdre, l’icosaèdre et le cube, solides que, complétés par d’autres, on appellera à la Renaissance les « corps platoniciens ». Et c’est sur cette construction que nous allons brièvement nous arrêter. Selon Platon, le monde étant solide, il est composé de solides, desquels les figures sont géométriques, y compris pour les éléments premiers qui, selon l’enseignement des Pythagoriciens et des Eléates, sont la Terre et le Feu, d’où dérivent l’Eau et l’Air. Ces figures géométriques sont les plus « parfaites », donc les plus « belles », à savoir les triangles. Les différentes catégories de triangles s’engendrent puis se combinent les uns les autres selon la médiété géométrique, et ces combinaisons produisent chacun un des solides élémentaires cités plus haut, qui constituent chacun un des quatre éléments : le tétraèdre ou pyramide le feu, l’octaèdre l’air, l’icosaèdre l’eau, le cube la terre.  

Ainsi donc, selon Platon, aux Ve et IVe siècles avant notre ère, la matière est substantiellement composée d’éléments géométriques combinés selon une harmonie géométrique, ce qui exige l’intervention d’une entité divine organisatrice, qu’il appelle le Démiurge – étant entendu que cette entité n’est pas le Un, ou le Dieu. Cette conception géométrico-théologique a subsisté, après christianisation, durant tout le Moyen-Age, où le Timée a eu une fortune éclatante, et au moins jusqu’à Leibniz – autre philosophe mathématicien et homme de science – qui a, on le sait, longuement médité ce dialogue. C’est-à-dire durant 23 siècles… Peut-on dire que cette inspiration soit encore globalement valable de nos jours, au bout de 26 siècles, plus de deux millénaires et demi ?

Faisons ce bond en avant, du moins en apparence, car il va s’agir du nombre π, connu depuis la plus haute antiquité. Tout écolier sait que ce nombre exprime le rapport de la circonférence d’un cercle à son diamètre ou encore le rapport de l’aire de ce cercle au carré de son rayon, et que sa valeur approchée est 3,1416. Mais ce nombre, base de toute définition mathématique et rationnelle de la géométrie (et même des calculs de probabilités) est lui-même – ô antinomie – un nombre irrationnel, puisqu’il comporte des décimales après la virgule, et cela en nombre indéfini : avec 9 décimales après la virgule cela donne 3,141 592 654, avec 16 décimales 3,141 592 653 589 793, et ainsi de suite. L’utilisation d’ordinateurs de plus en plus performants (et de formules mathématiques de plus en plus complexes) a permis de déterminer plus de 200 milliards de décimales de π… Ce nombre fascinant par ses propriétés extraordinaires a préoccupé des savants de toutes origines et de tous les temps : Egyptiens (un papyrus datant de 1800 avant notre ère), Babyloniens, Indiens (de 400 à 200 avant notre ère), Grecs, Arabes… et cela jusqu’à notre époque. Citons en particulier le fameux Archimède (IIIe siècle avant notre ère) qui a établi une méthode géométrique permettant de calculer π avec 39 décimales, précision suffisante pour les opérations géométriques courantes. Prenant un cercle supposé de rayon 1, on l’encadre par deux polygones réguliers, l’un inscrit, l’autres circonscrit,  dont on calcule les périmètres ; la circonférence est alors égale à la moyenne arithmétique entre les deux périmètres, d’où une évaluation approchée de π qui en notation moderne s’exprime par 3 + 10/71 < π < 3 + 1/7. Avec des polygones à 96 côtés, comme le fit Archimède, l’approximation est, comme je l’ai dit, suffisante.

Pourquoi ce rapide cours de mathématiques ? Pour en venir à Daniel Tammet. Cet ancien autiste Asperger, catalogué parmi « les cent génies du moment » par un jury d’universitaires, et qui possède des facultés véritablement exceptionnelles,  connaît depuis quelques années une renommée internationale à cause de ses ouvrages vendus à des millions d’exemplaires. Le dernier, « L’Eternité dans une heure » est « une réflexion très personnelle sur l’histoire des mathématiques et la poésie des nombres ». Et, parmi ces nombres, « l’admirable nombre π », dit-il, auquel il voue une véritable passion. Ainsi, au cours d’une séance le 14 mars 2004, à Oxford, il en a récité (en 5 heures, 9 minutes et 24 secondes) 22 514 décimales ! Ceci est un tour de force que lui permet sa mémoire,  exceptionnelle comme ses autres qualités. Voilà qui est plus intéressant : laissons-lui la parole. « Quelque part dans π, au bout de milliards de chiffres, on rencontre cent 5 d’affilée, ailleurs mille fois l’alternance de 0 et 1. » Il ajoute : « Les décimales exhibent un ordre profond, les 5 ne dépassent jamais les 6, les 8 et les 9 n’écrasent pas les 1 et les 2 ». Ainsi cette série apparemment chaotique recèle un ordre caché.

Nous ne sommes pas loin de Platon, n’est-ce pas ? Il a bien fallu un Démiurge pour organiser cet ordre caché. Démiurge que nous autres, chrétiens, appelons le Logos ou Verbe, deuxième personne de la Divine Trinité. Une logique sans Logos, que serait-ce ? Une impossibilité.

Même un savant qui se disait agnostique, j’ai nommé François Jacob - qui vient de disparaître-, lequel avait obtenu avec Jacques Monod le prix Nobel pour ses travaux sur la biologie moléculaire, et en particulier la régulation génétique, était obligé d’en convenir : il y a une « Logique du vivant » (titre de son ouvrage principal).

Ainsi donc, la matière, pour en revenir à elle, a une organisation logique de nature mathématique. Galilée, en son temps, l’avait déjà perçu, qui disait : « Le monde est un livre écrit en langage mathématique ». C’est un chef-d’œuvre du Créateur, animé par les anges qui, selon la Tradition (encore exprimée par Newton), sont les moteurs de tous les corps matériels, des plus grands aux plus infinitésimaux.

Et l’on voudrait que ce chef-d’œuvre où éclate le génie du Créateur soit voué à l’anéantissement pur et simple ? Allons donc ! Foin de ces billevesées, résidus du gnosticisme et du manichéisme. Le Créateur veut rendre hommage à toute sa création sans exception, et le plus bel hommage qu’il pourra lui rendre, c’est de la transfigurer de sa gloire divine.

Oui, la matière sera glorifiée, avec tous les corps de tous les règnes, humain, animal, végétal, minéral et même bactérien, dont elle constitue la substance.

18 mai 2013



















































    

mercredi 22 mai 2013

L'homme et la nature à la Parousie


Staretz Ephrem: L'homme et la nature à la Parousie




La chute de l'homme, qui était la "couronne de la création", a provoqué la chute de toute la création qui "a gémi ensemble dans les douleurs de l'enfantement" (Romains 8:22). C'est ce qui explique le principal enseignement de notre Église, qui considère la création comme un tout, qui est guidé vers la perfection et la déification; homme et la nature ensemble. L'homme et la nature ne sont pas distincts dans la conception de la création. Donc l'homme a le devoir de maintenir une bonne relation avec le reste de la création. Le fait que l'homme reste dans la condition déchue prolonge dangereusement le monde qui supporte le même état. Ainsi, l'homme contribue à la perversion et à la dégradation de la nature. Par conséquent, la chute a non seulement déformé l'homme existentiel et moral, mais aussi même son environnement.

[…] Dans sa Parousie [seconde venue], le Christ non seulement restaure la nature humaine, mais aussi toute la création. Puisque le reste de la création est tombé à cause de l'homme, il sera régénéré par l'homme sanctifié. Quand l'homme atteint la sanctification, son environnement est aussi sanctifié. Nous trouvons de nombreux exemples dans la vie des saints. Un lion subvenait aux besoins de saint Gérasime du Jourdain; saint Séraphim de Sarov nourrissait un ours comme si c'était un agneau docile; le staretz Païssios du Mont Athos était connu pour avoir comme compagnie des serpents et d'autres animaux sauvages.

Avec la résurrection et la régénération de l'homme, la nature sera également exonérée de corruption. Selon saint Syméon le Nouveau Théologien, la nature deviendra immatérielle et éternelle. "Pendant la régénération, la nature devient une demeure morale, au-delà de la perception humaine" (saint Syméon le Nouveau Théologien: Questions morales, 1, 5).

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après